Accueil > Actualités et humeurs > Les Guignols de l’ESR : ce mois-ci, le "Journal du CNRS" (avril 2010, (...)

Les Guignols de l’ESR : ce mois-ci, le "Journal du CNRS" (avril 2010, n°243)

lundi 12 avril 2010, par Jean-Paul et Jean-Marie

Devant la recrudescence des "perles", SLU se voit contraint d’ouvrir une nouvelle rubrique dite "Les Guignols de l’ESR" (titre temporaire) dont le but est de rendre compte des progrès d’institutions prestigieuses dans l’accès à la novlangue et à l’idéologie managériale qui sont l’essence véritable de "l’excellence". A la fin de l’année, la Cellule Site réunie en AG extraordinaire décernera le Pompon des Guignols.

Et pour commencer, ce mois d’avril, alors que le coucou déjà a chanté, le "Journal du CNRS", une institution qui communique et qui lutte de toutes ses forces pour ne pas se laisser dépasser… par la CPU ? le CDHSS ? l’AERES ? Ses progrès en ce sens sont sensibles depuis les débuts de la mobilisation, interne et externe au CNRS, contre les "réformes".

À noter que sur le site du CNRS, le "Journal" se trouve à la rubrique "Grand public". Certains des articles ne manquent pas d’intérêt au plan de l’information fournie. La présentation de celle-ci, qui met sur le même plan données scientifiques et données politiques (relevant, celles-ci, de l’organisation même de la recherche), dénuée de tout esprit critique, n’en fait pas moins du "Journal" un organe de propagande des "réformes" en cours. Démonstration ci-dessous.

Extraits (les titres suivants sont empruntés au "Journal" sans aucune modification, les citations sont indiquées en italiques et entre guillemets, les commentaires entre crochets dans les citations sont de Jean-Pierre et Jean-Marie).

"Une vraie dynamique s’est créée"

"L’ANR fête son cinquième anniversaire. Sa directrice générale, Jacqueline Lecourtier, dresse un premier bilan, évoque la place de l’agence dans le paysage scientifique, ses relations avec le CNRS et les étapes à venir."

Questions posées :

-  avant tout quel est le rôle de l’ANR ?
- Quel bilan dressez-vous de l’agence depuis sa création ?
- d’autres modifications ont-elles été opérées depuis 2005 ?
- Quels liens entretient l’ANR avec le CNRS ?
- Comment se positionne l’ANR dans le paysage scientifique français récemment redessiné ?
- Quels sont vos prochains objectifs ?

Quelques infos, au vol :

- 6000 projets sont soumis chaque année,
- le financement moyen augmente : de 267000 euros en 2005, il atteint aujourd’hui 480000 euros.

- le budget du programme non thématique est passé de 28% en 2005 à 35% en 2009, et atteint 50% en 2010. […] Conséquence : le nombre de demandes pour des projets non thématiques a "bondi" de 35% en 2010.
- près de 4500 refus doivent être expliqués chaque année.
- en 2008, l’agence s’est dotée d’un Conseil de prospective afin d’anticiper au mieux sur les sujets qui feront l’actualité de demain.
- budget 2009 : 860 millions d’euros dont 3,2 affectés aux frais de fonctionnement
[on aimerait des détails]
- 5 à 6 ateliers de réflexion prospective sont organisés par an, ciblés sur des questions stratégiques telles que la réduction des dépenses de santé ou le réchauffement climatique. [SLU se souvient avec émotion de ce colloque organisé à ULM le 27 mai 2008, pendant lequel Jean-Michel Rodaz avait affirmé que l’ANR n’avait pas vocation à définir la politique scientifique du pays… ni à refléter la politique scientifique des politiques, sans doute]
- apport principal de l’ANR : la flexibilité dans le dispositif français : "tous les acteurs sont éligibles à ses financements quelle que soit leur nature : organismes de recherche publique [suivez-moi jeune homme], établissements publics à caractère industriel et commercial, centres de recherche plus finalisée, entreprises." [un crescendo quasi hugolien].
- les objectifs : le développement à l’international.
- le CNRS est le premier bénéficiaire des dotations accordées par l’ANR depuis sa création [ça vaut bien un article dans la Pravda], à égalité avec les universités (environ 24% chacun).


Un camembert, pour finir : 28 % des financements pour projets thématiques vont aux STIC (voir plus bas), 28% à la biologie-santé, 23% à l’énergie durable, 12% à l’écosystème/développement, 4% aux matériaux/ chimie durable, 3% aux SHS, 2% à la sécurité globale.

***

Les bienfaits de la démarche Qualité

"Omniprésent dans le secteur industriel, le concept de démarche qualité est de plus en plus adopté par le monde de la recherche. Illustration avec des projets menés au sein de laboratoires du CNRS".

Celui-là commence comme un polar : "Jusqu’à la fin des années 1990, deux mots, sitôt prononcés, jetaient fatalement un trouble dans le Landernau de la recherche publique : démarche qualité. [c’est le côté plouc, bien connu, du Landernau] Venue du monde de l’entreprise où elle sert depuis des décennies à optimiser toutes les étapes de la fabrication d’un bien via l’adoption de normes nationales ou internationales, cette notion alimentait la crainte d’une avalanche de paperasserie et d’un productivisme contraire à l’indispensable liberté des chercheurs. [ça a le mérite de la franchise].

"Les mentalités ont bien changé. La qualité fait désormais partie intégrante de très nombreux projets développés au sein d’organismes de recherche comme le CNRS, et ce toutes disciplines confondues. La mise en place d’un système de management de la qualité permet en effet de "garantir d’une part l’intégrité, la traçabilité et la reproductibilité des données produites au cours de la recherche et,d ’autre part, une organisation plus compétitive, plus fiable, et plus transparente qui donne confiance aux partenaires". [c’est l’administratrice du Centre d’études d’agents pathogènes et biotechnologie pour la santé et qualiticienne, sic, qui le dit].

Et là, encore une preuve de franchise : comme les chercheurs (précaires- restent de moins en moins longtemps dans un labo, ils doivent "avoir facilement accès au savoir-faire de l’unité où ils sont affectés."

Comment déployer une démarche qualité ? ?? Réponse p. 34, ou dans un petit manuel du management, ou sur le site de la CPU (qui parle, elle, de "culture qualité" [c’est son côté "Humanités"].

***

De l’éthique pour les Stic

Celui-là, c’est notre préféré : "comment faire face aux multiples problèmes éthiques posés par l’explosion des technologies de l’information et de la communication dans notre société ? Le Comité d’Éthique du CNRS (Comets) vient de livrer ses réponses à cette épineuse question ?"

Oui, comment ?

"Tous ces problèmes [grandes pannes de réseaux, propagation malveillante de rumeurs ou d’info personnelles, diffusion de données confidentielles, cybercriminalité, dérives de radio-identification, des machines à voter électroniquement… ] surgissent a posteriori, après le déploiement de ces technologies à grande échelle. Il est donc déjà trop tard pour rectifier le tir. Ce qui veut dire qu’il serait plus éthique de mener en amont (c’est-à-dire au moment même où se déroulent les recherches) une réflexion sur les conséquences possibles des résultats de ces travaux. […] plaide Joseph Mariani, directeur de l’Institut des technologies multilingues et multimédias de l’information et membre du Comets."

Et comment sensibiliser les chercheurs aux enjeux éthiques des Stic (Sciences des technologies de l’information et de la communication, pour le Landernau des ploucs] ??

"via la création d’un site web incluant un forum de discussion, l’organisation d’un colloque ou l’ajout d’une rubrique "éthique" dans les dossiers d’activités, soutenir des projets communs avec les sciences humaines et sociales [coucou les revoilà], former les étudiants dans les écoles doctorales ou en créant un master international sur le thème "Ethique et Stic" [Aristote se gondole] et donner au public une information objective sur l’avancée des recherches dans ce domaine en évitant les effets d’annonce."

Surtout, "les sages du Comets […] prônent l’instauration d’un "Comité sur l’éthique des recherches en Stic" […] Il réunirait des chercheurs des Stic et des SHS (philosophes, juristes, économistes, sociologues, anthropologues…) ainsi que des industriels, et entretiendrait des liens avec les observatoires des usages des TIC [ sic existants, les comités d’éthiques généralistes et la représentation nationale."

***


et, last but not least, rien de tel qu’un compte rendu rapide pour, au coin du "Guide des Livres", l’air de rien, faire un pied de nez à la section des sociologues du CNU. Le compte rendu des
"Vraies révolutionnaires du numérique", édité par Michel Berry et Christophe Deshayes, se termine ainsi :

"En complément, un site internet aux nombreux liens (www.revolutionnairesdunumerique.com), belvédère idéal pour observer d’un peu plus haut les formes d’une inédite socialité chère à Michel Maffesoli."