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Le mal-être des écoles de Seine-Saint-Denis - Elodie Berthaud, Médiapart, 23 janvier 2010

dimanche 24 janvier 2010, par Laurence

Pour lire cette enquête sur le site de Médiapart

Les syndicats d’enseignants de la Seine-Saint-Denis et les parents d’élèves de la FCPE protestent depuis octobre 2009 contre les problèmes de remplacements dans les écoles de leur département. Samedi 23, ils se réuniront pour décider de leurs prochaines journées d’action.

Mercredi, ils étaient déjà une centaine de personnes à battre le pavé rue de Solférino aux abords du ministère de l’éducation. Ces enseignants et parents d’élèves du département de la Seine-Saint-Denis se sont réunis à l’appel de quatre organisations syndicales (Sud éducation 93, SNUipp-FSU 93, Snudi-FO 93 et CGT Educ’action 93) et de la FCPE. Le député et président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone (PS), a apporté son soutien à cette mobilisation. « Faute de dotations suffisantes, les inspections académiques sont confrontées à une véritable pénurie d’enseignants remplaçants », a-t-il dénoncé dans un communiqué. Il a « alerté » le ministre « sur les insuffisances de la politique éducative menée en cas d’absence des enseignants titulaires dans les écoles publiques élémentaires ».

Cette question semble plus épineuse qu’avant du fait de la réforme de formation des maîtres.

Récit en images et en son de cette mobilisation.
© Elodie Berthaud

Depuis octobre 2009, le SNUipp, syndicat majoritaire dans l’enseignement du premier degré, décompte sur son site internet les absences non remplacées dans le département : sur la seule ville de Saint-Denis elles représenteraient 800 demi-journées.

Le vivier des 700 enseignants remplaçants prévus pour le département s’est épuisé dès le mois de novembre. « La Seine-Saint-Denis a connu cette année un pic inédit de départs en congés maternité de ses enseignantes. A cela se sont ajoutés de nombreux arrêts maladie de courte durée », explique Daniel Auverlot, inspecteur de l’Académie de Créteil. « A Saint-Ouen par exemple, on a enregistré jusqu’à 12% de professeurs absents au même moment. Quel patron d’entreprise pourrait réagir vite à ce genre de situation ? », poursuit-il.

La réforme de la formation des maîtres empêche d’utiliser la méthode qui prévalait jusqu’à présent dans l’Education nationale pour pallier les absences de longue durée. Dans l’ancien système, les étudiants recalés de justesse au concours d’entrée des professeurs des écoles pouvaient être rappelés en urgence pour occuper un poste laissé vacant. Ils obtenaient alors le statut de fonctionnaire stagiaire. L’année suivante, ils ne passaient pas de nouveau le concours mais rentraient directement en année de formation professionnelle à l’IUFM. Mais la réforme de la masterisation supprime dès la rentrée prochaine les IUFM, faisant disparaître du même coup cette passerelle entre un stage à responsabilités utilisé pour un remplacement (ou une création de poste) et une titularisation.

Luc Chatel veut mobiliser des jeunes retraités ou des étudiants qui se destinent à l’enseignement

Quels leviers peuvent être utilisés dans le nouveau système pour faire face aux absences d’enseignants ?
« Nous avons proposé à quelques étudiants admissibles au concours de 2009 d’effectuer des stages de 4 semaines en Seine-Saint-Denis, explique Daniel Auverlot. Nous les plaçons dans des écoles où il y a des professeurs absents. » Ces stagiaires vont bénéficier d’un contrat de 108 heures rémunéré 750 euros net par semaine, environ le double de ce que touche un enseignant en début de carrière. Beaucoup de professeurs craignent que ces étudiants soient utilisés comme variable d’ajustement, sans qu’on leur donne de garanties dans l’accès à la fonction publique.
« Une nouvelle stagiaire est arrivée mardi dans notre école. Elle remplace une institutrice partie en congé maternité pour quatre mois, raconte Elodie Boussarie, enseignante à Saint-Denis. Or son contrat ne dure que quatre semaines et elle ne peut pas le renouveler. Cela signifie que la classe de moyenne section en question verra défiler trois enseignants différents jusqu’à juin. »

Invité d’Europe 1 mercredi 20 janvier, le ministre de l’éducation, Luc Chatel, a évoqué plusieurs pistes pour améliorer les remplacements sur l’ensemble du territoire en validant ce recours aux stages rémunérés. « Nous devons diversifier et enrichir notre vivier de remplacement, par exemple avec des partenariats avec Pôle emploi, en mobilisant ici ou là de jeunes retraités de l’Education nationale ou en travaillant avec des étudiants qui ne sont pas encore admis aux concours », a-t-il détaillé.

« On utilisera des étudiants inexpérimentés. Seront-ils capables d’assurer la sécurité des élèves lors d’une sortie par exemple ? Pourront-ils aussi dispenser des cours de qualité ?Je ne le crois pas », s’inquiète un maître formateur à l’IUFM de Livry-Gargan. Les craintes face à la réforme de la formation des maîtres sont à quelques mois de la rentrée 2010 encore très vives.