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Formation des maîtres, les dangers de la réforme - Laurent Mouloud, L’Humanité, 15 décembre 2009

mardi 15 décembre 2009, par Elie

Rejetée par l’ensemble de la communauté éducative, la « masterisation » du recrutement des profs est au coeur de la mobilisation enseignante prévue aujourd’hui.

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Rien n’a changé. Au printemps dernier, le gouvernement, bousculé par une mobilisation sans précédent dans les universités, se voyait contraint de repousser d’un an la mise en place de sa réforme de la formation des maîtres. Sept mois plus tard, la nouvelle mouture du texte, présentée en novembre par Luc Chatel et Valérie Pécresse, n’a rien réglé. Des enseignants du primaire jusqu’aux présidents d’université, l’ensemble du monde éducatif l’a rejetée ! Ce projet, qualifié de « régressif » et « dangereux », sera au coeur de la journée de mobilisation qui doit se dérouler aujourd’hui à l’appel d’une large intersyndicale. Retour sur les raisons de ce désaveu unanime.

Une formation professionnelle minimale

Recrutés en fin de master (bac + 5), les futurs enseignants ne passeront plus par les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Aux douze semaines de stages obligatoires, dispensés actuellement en deuxième année d’IUFM, vont se substituer, lors de la première année de master (M1) 108 heures de stages facultatifs dits « d’observation » et, en deuxième année (M2), 108 heures de stages, encore facultatifs, dits « en responsabilité ». Le ministère parle de « progressivité dans la spécialisation ». Les organisations syndicales, elles, y voient surtout une régression sans précédent de la formation professionnelle. « Puisque ces stages ne sont pas obligatoires, un prof des écoles pourra débuter en septembre sans jamais avoir mis les pieds dans une classe ! », peste une formatrice de l’IUFM de Paris. Une aberration qui va devenir réalité dès septembre prochain pour les étudiants actuellement en première année d’IUFM. Réforme oblige, le gouvernement a décidé que ceux qui réussiront le concours de recrutement en juin 2010 ne bénéficieront pas de la deuxième année d’IUFM. Ils atterriront donc directement dans les classes, sans aucune expérience du terrain. Le contenu des masters reste le second point épineux. Le gouvernement les a voulus plutôt « généralistes » afin de favoriser la réorientation des étudiants en cours de cursus. Résultat : ils font la part belle aux savoirs disciplinaires et minorent l’aspect pédagogique du métier. « Face à des classes hétérogènes, les débutants ne sauront pas comment un élève apprend ni comment transmettre son savoir », alerte Didier, prof à l’IUFM de Créteil.

Discorde sur le calendrier des épreuves

Autre point largement contesté : le choix de faire passer les deux concours (admissibilité et admission) au cours de la seule année de M2 (en septembre pour le primaire, en décembre pour le secondaire). « Placer les épreuves disciplinaires d’admissibilité en M1 aurait eu l’avantage de dégager l’année de M2 pour la formation pédagogique, estiment de nombreux syndicats. Là, elle va être sacrifiée. » Comme le dénonce l’Unef, les étudiants vont affronter une deuxième année de master titanesque avec le concours de l’admissibilité, la réalisation d’un mémoire pour valider le master, la préparation du concours de l’admission et la réalisation, si possible, de 108 heures de stages ! « Ça va se résumer à un long bachotage », redoute l’organisation étudiante.

Cette seconde année impossible va refroidir bon nombre de candidats potentiels, notamment ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir de longues études. Elle produira aussi, immanquablement, un taux d’échec élevé et des situations difficiles pour les étudiants.

Que vont devenir ceux qui auront entamé leur M2 mais échoué à leur admissibilité ? Et ceux qui auront leur master mais ne décrocheront pas le concours de l’éducation nationale (les reçus-collés) ? « Plutôt que de se réorienter vers un autre métier, comme le dit le gouvernement, ils viendront grossir les rangs des précaires de l’éducation », anticipent la plupart des syndicats, dont beaucoup auraient souhaité une admissibilité en fin de M1, pour faciliter la réorientation dès septembre.

Précarité organisée à grande échelle

Conjuguée à la baisse continue du nombre de postes ouverts au concours, la réforme de la formation des maîtres va fabriquer de la précarité à grande échelle. « Les nombreux reçus-collés seront des cibles privilégiées pour effectuer des remplacements sous statut vacataire ou contractuel, explique Didier, prof d’histoire- géographie à l’IUFM de Livry-Gargan. Ce type de recrutement précaire, effectué directement par les rectorats, voire les établissements, va se développer au détriment de l’emploi statutaire et de la qualité de l’enseignement donné aux enfants. »

Laurent MOULOUD

DES MANIFS PARTOUT EN FRANCE Outre le défi lé parisien, dont le départ est prévu à 17 heures à Jussieu, et qui doit rejoindre la Sorbonne à 18 heures, plus d’une quarantaine de « rassemblements, assemblées générales, marches aux fl ambeaux… » sont prévus aujourd’hui dans toute la France, a annoncé le Snuipp-FSU (premier syndicat du primaire). Et souvent ceux-ci se dérouleront dans ou aux abords des IUFM (à Strasbourg, à 12 heures, à Montpellier, à 14 heures, à Caen, à 14 h 30, à Lyon, a 17 heures, ou encore à Rouen, Auxerre, Limoges, Albi…).