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Ce qu’il reste de la réforme du lycée - Louise Fessard, Médiapart, 20 novembre 2009

vendredi 20 novembre 2009, par Laurence

Ce devait être un lycée « où la seule règle serait la diversité des voies proposées. Chacun y pourrait, selon ses goûts [...], construire un parcours cohérent [...] qui lui ressemble », rêvait Nicolas Sarkozy le 2 juin 2008. Un an et demi et un ministre plus tard, le nouveau lycée présenté jeudi 19 novembre au salon européen de l’éducation par Luc Chatel est très éloigné du lycée à la carte voulu par le précédent ministre de l’éducation, Xavier Darcos. Il avait dû y renoncer en décembre 2008 face à la forte mobilisation lycéenne et à la levée de boucliers des enseignants. Après la vaste consultation menée par Richard Descoings, le directeur de Sciences-Po, le temps est aux arbitrages techniques.

L’accent est toujours mis sur l’orientation mais finie la semestrialisation, avec une semaine de battement entre les deux semestres pour préparer son orientation, envisagée par Xavier Darcos. L’idée de modules, qui puissent être validés d’une année sur l’autre comme à l’université, disparaît aussi. A la place, Luc Chatel propose une seconde d’exploration pour que « le lycéen découvre les parcours possibles » et une première avec un tronc commun suffisamment important (60% de l’emploi du temps) pour permettre un changement de série en cours d’année grâce à des stages passerelle organisés pendant les vacances scolaires. Ainsi « les élèves n’auront à rattraper que les enseignements de spécialisation », a expliqué Luc Chatel.

La spécialisation n’aura véritablement lieu qu’en terminale qui doit « préparer mieux à l’enseignement supérieur ». En matière d’orientation, les élèves volontaires pourront bénéficier d’un tutorat assuré par des enseignants. Paradoxal alors que le nombre de conseillers d’orientation psychologues, dont c’est précisément le métier, se réduit comme peau de chagrin. Selon le principal syndicat enseignant, le Snes, seul un départ à la retraite sur six est remplacé.

De l’économie pour tous en seconde

Xavier Darcos voulait remplacer les séries, écrasées par la suprématie de la série scientifique, voie royale, par des familles (humanités et arts, sciences, sciences de la société, technologie) dans lesquelles l’élève piocherait. Luc Chatel fait au contraire le pari de renforcer la spécialisation des séries en terminale pour les « rééquilibrer ».

Pour la série S, l’épreuve d’histoire géographie aura désormais lieu en fin de première. L’objectif est de conforter l’aspect scientifique de la série S, aujourd’hui surtout choisie parce qu’elle offre la plus large porte d’entrée vers l’enseignement supérieur. « 50% des élèves [de l’enseignement général, NDLR] choisissent la filière S et [...] en même temps nous n’avons pas assez d’ingénieurs dans notre pays », a souligné Luc Chatel.

Quant aux littéraires, c’est un enseignement optionnel de « droit et grands enjeux du monde contemporain » de trois heures en terminale qui est censé revaloriser la série et ouvrir de nouveaux débouchés. L’enseignement des langues est renforcé, avec des cours de littérature étrangère en langue étrangère. « La voie littéraire doit permettre aux élèves ayant une vraie vocation littéraire de se destiner aux grandes écoles [...] mais il faut l’élargir vers le droit et les sciences politiques pour les autres », a estimé Luc Chatel.

Par ailleurs, chaque élève de seconde devra choisir au moins un cours d’économie (sciences économiques et sociales ou économie appliquée et gestion) parmi ses deux enseignements d’exploration de 1h30. Soit « une heure de moins que l’option actuelle de sciences économiques et sociales », déplore le secrétaire général de l’Apses, Sylvain David, qui trouve par ailleurs « étonnant de mettre au même niveau un enseignement de culture générale et un autre plus professionnalisant ».


Plus d’autonomie

Rescapé de la réforme Darcos, l’accompagnement personnalisé concernera tous les élèves de la seconde à la terminale, quelque soit leur niveau. Pour ne pas alourdir l’emploi du temps des lycéens (maintenu à 28h30 en seconde après la réforme), ces deux heures d’accompagnement sont prises sur les horaires de cours. Aux lycées d’organiser cet accompagnement en petits groupes entre soutien scolaire pour les plus faibles, perfectionnement pour les élèves en difficulté, orientation et apprentissage des méthodes de travail.

Les équipes pédagogiques disposeront également d’un plus grande autonomie pour utiliser les heures de dédoublement et constituer des groupes de faible effectif selon les besoins. Deux changements qui passent mal du côté du Snes qui dénonce « une réduction des horaires disciplinaires » et « une autonomie accrue des établissements avec la gestion locale d’une part importante de l’horaire disciplinaire ».

Quant aux langues vivantes, elles seront enseignées par groupe de compétence. La langue vivante 2 est intégrée dans le tronc commun, devenant ainsi obligatoire.

Plus consensuelle, la réforme n’annule cependant pas « les effets dévastateurs des 40.000 postes supprimés depuis 2007, ni du démantèlement de la carte scolaire », rappelle l’Union nationale lycéenne. En 2008, la réforme avait justement buté sur un mouvement lycéen remonté contre une mesure soupçonnée d’être le cache-misère des suppressions de postes.