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"Réformons la réforme" Communiqué du Forum des Sociétés Savantes du 10 novembre 2009

dimanche 1er novembre 2009, par Anneflo

Réformons la réforme
Contribution du Forum des Sociétés Savantes
du 10 novembre 2009

Nos Sociétés se sont déjà adressées par deux fois en 2009 au ministre de l’Education Nationale pour lui faire part de leurs analyses sur les effets de la réforme de la formation et des concours de recrutement des professeurs. Sur le principe, il est légitime que la formation des professeurs, qui s’effectue déjà en cinq ans (six ans pour les agrégés), soit sanctionnée par un master. Si une réforme plus ample doit être envisagée, elle ne peut l’être sans l’accord des communautés enseignantes et universitaires et ne peut aboutir qu’au terme d’une véritable concertation que la parution précipitée des décrets en juillet a compromise. La parution de ces décrets et de circulaires crée une situation d’extrême confusion que nos sociétés dénoncent. Confrontées à un projet de réforme qui nous semble, en l’état, irréalisable et dangereux, nous proposons de repenser la réforme sur la base des principes suivants.

Résumé

Les concours de recrutement et leurs programmes doivent rester nationaux et fonder la sélection des candidats sur leurs connaissances et compétences, évaluées par des spécialistes universitaires et des enseignants des disciplines concernées. La réforme de la formation et des concours ne doit pas produire un affaiblissement des exigences disciplinaires ni une restriction du champ des matières étudiées. Pour les candidats au concours de professeur des écoles, la réforme doit être l’occasion d’un renforcement, adapté à leur future mission, des connaissances dans les disciplines absentes de la licence dont ils sont titulaires.

La formation proprement pratique doit intervenir après le concours. La connaissance du système éducatif, notamment, ne sera vérifiée qu’à l’issue de l’année rémunérée de stage pratique en alternance dont on ne saurait faire l’économie. Si des stages doivent intervenir avant le concours, il s’agira de stages en observation ou de pratique accompagnée sous la responsabilité d’un tuteur, les stages en pleine responsabilité n’ayant de sens qu’après la réussite au concours.

La formation continue des enseignants titulaires devra être développée.

Les cursus menant aux différents concours de recrutement de l’Education Nationale, à une autre voie professionnelle ou à la recherche doivent pouvoir rester compatibles et permettre des réorientations. A cette fin, nous demandons le maintien d’exigences scientifiques et disciplinaires effectives dans toutes les formations de master.

Enfin, pour garantir la cohérence des formations, il est indispensable de connaître les programmes et les dates des concours ainsi que les modalités des éventuels stages avant d’élaborer les maquettes des masters correspondants.

Pour le concours de l’agrégation 2011, des solutions doivent être trouvées afin qu’aucun étudiant ne soit lésé dans la phase de transition.

Propositions développées


Ne pas dissocier les maquettes des masters et les concours :

Les concours de recrutement et leurs programmes doivent rester nationaux et fonder la sélection des candidats sur leurs connaissances et compétences, évaluées par des spécialistes universitaires et des enseignants des disciplines concernées. La réforme de la formation et des concours ne doit pas produire un affaiblissement des exigences disciplinaires ni une restriction du champ des matières étudiées. Pour les candidats au concours de professeur des écoles, la réforme doit être l’occasion d’un renforcement, adapté à leur future mission, des connaissances dans les disciplines absentes de la licence dont ils sont titulaires.

Selon les promoteurs de la réforme, les épreuves des concours ne sauraient influer sur les programmes des masters : ce seraient les masters, indépendants et complémentaires des concours, qui garantiraient la compétence disciplinaire des candidats. Nous récusons toujours cette vision irréaliste, qui vide les concours de leur substance, comme s’il s’agissait, à terme, de les faire disparaître purement et simplement. Au contraire, c’est sur la base de concours nationaux, aux exigences disciplinaires larges et clairement établies, que pourra être rédigé le cahier des charges précis qui permettra ensuite à chaque université de préparer des maquettes de master, et au ministère de les valider. Il est indispensable d’articuler (et non de dissocier) la réflexion sur le contenu du concours (dates des épreuves, nombre, nature et programmes de celles-ci) et la réflexion portant sur le contenu des masters. Il faut aussi écarter la possibilité de concours comprenant des épreuves à géométrie variable, différentes selon le cursus actuel ou passé des candidats. C’est la seule garantie du niveau national des compétences requises de tous les enseignants du primaire et du secondaire.

L’absence de certaines disciplines au sein des épreuves du projet de concours allégé, loin de conduire à une présence plus marquée de ces disciplines dans les maquettes de master, entraînerait au contraire leur disparition. C’est pourquoi un cadrage national des formations de master est indispensable pour chaque discipline, afin de garantir l’équité et la cohérence nationale des recrutements.

Les maquettes des nouveaux masters ne sauraient être élaborées dans nos universités sans un accord préalable de la communauté enseignante sur l’ensemble du dispositif de formation et de recrutement (calendrier des stages et des concours, dispositif précis d’encadrement des stages, maquette et programme des concours, cadrage national des masters en terme de contenu, modalités de l’adossement des masters à la recherche, etc.). Un cadrage des concours tardif, pour des maquettes à remettre par les universités mi-avril, et donc localement par les concepteurs de formations bien plus tôt, serait clairement incompatible avec cette exigence. Il déboucherait sur une impossibilité de mettre en oeuvre la réforme à la rentrée 2010.

Stages, année de stage pratique rémunérée et formation professionnelle :

La formation proprement pratique doit intervenir après le concours. La connaissance du système éducatif, notamment, ne sera vérifiée qu’à l’issue de l’année rémunérée de stage pratique en alternance dont on ne saurait faire l’économie. Si des stages doivent intervenir avant le concours, il s’agira de stages en observation ou de pratique accompagnée sous la responsabilité d’un tuteur, les stages en pleine responsabilité n’ayant de sens qu’après la réussite au concours.

La notion de stage pratique en alternance est loin d’être acquise, les stages prévus cette année n’étant accompagnés d’aucune préparation ni encadrement universitaire. Les modalités prévues en font de simples remplacements, créant un précédent plus qu’inquiétant pour la formation professionnelle future des enseignants. La première année d’eêrcice en tant que fonctionnaire stagiaire est modifiée pour tous en 2010-2011, sans que les modalités en aient été précisées d’aucune façon. Aucune information n’est disponible sur la forme des actions prévues à l’université ni sur la nature de leur encadrement. Aucune certitude sur la réduction du temps de service n’est donnée.

Nous demandons, pour tous les lauréats aux concours de recrutement de l’Education Nationale, le maintien de l’année de stage rémunérée, permettant au professeur stagiaire encadré par un tuteur de prendre pour un tiers de son service la responsabilité d’une classe, tout en suivant l’indispensable formation universitaire d’accompagnement. C’est au cours de ce stage que pourra être approfondie et vérifiée si besoin la connaissance du système éducatif. C’est à l’issue de ce stage que devront être titularisés les professeurs ayant fait la preuve de leur aptitude à l’enseignement.

Il est légitime que des stages passifs en observation et actifs en pratique accompagnée, donnant lieu à une préparation et un encadrement universitaire, soient proposés aux étudiants dès la licence puis en master pour leur permettre de confronter leur vocation d’enseignants à la réalité, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’acquisition de connaissances disciplinaires.

Formation continue des enseignants :

La formation continue des enseignants titulaires devra être développée.

De nombreux universitaires participent déjà à la formation continue des enseignants du secondaire par le biais des formations proposées par le Plan Académique de Formation. Néanmoins, il est indispensable de mettre en place ou de développer des structures spécifiques au sein des universités, gérées par elles, proposant aux enseignants des formations éventuellement obligatoires et donnant lieu a dècharge de service, aux missions de l’Education Nationale et aux programmes enseignés. Le modèle des IREM (Instituts de Recherche en Enseignement des Mathématiques) pourrait être étendu aux autres disciplines. Dans cet esprit, il est primordial de conserver les concours internes, dont la préparation constitue un maillon essentiel de la formation continue des enseignants.

Choix des masters et conséquences pour les étudiants :

Les cursus menant aux différents concours de recrutement de l’Education Nationale, à une autre voie professionnelle ou à la recherche doivent pouvoir rester compatibles et permettre des réorientations. A cette fin, nous demandons le maintien d’exigences scientifiques et disciplinaires effectives dans toutes les formations de master.

Un master défini comme un parcours professionnalisant vers les métiers de l’enseignement ne saurait en même temps préparer les étudiants au doctorat. Mais on ne peut demander aux étudiants de choisir dès la fin de leur licence entre des cursus exclusifs les uns des autres, dirigés le premier vers la recherche, le deuxième vers l’agrégation, le troisième vers le CAPES et le quatrième vers le CRPE, leurs choix n’étant pas toujours conséquences de vocations différentes, mais parfois de niveau disciplinaire, qu’ils ne sont pas nécessairement à même d’appréhender en fin de licence. De plus, de nombreux établissements ne pouvant ouvrir deux ou trois masters différents dans un même domaine se verraient rapidement privés de master recherche ou professionnel. Le financement de préparations post-master non-diplômantes à l’agrégation et aux autres concours doit aussi être garanti. Sinon, les répercussions se feraient sentir dès la licence, avec la fermeture induite de nombreuses filières en dehors des grands centres et un appauvrissement dramatique de l’offre de formation, créant une injustice géographique dans l’enseignement supérieur et un appauvrissement du potentiel d’enseignants.

En retardant d’un an le recrutement, la réforme annoncée pénalisera les étudiants dont les moyens financiers sont fragiles et aboutira èlection sociale des candidats. Elle entraînera aussi la baisse du nombre de candidats, et donc la baisse du niveau de recrutement. Le problème des admis-refusés qui obtiendraient le master mais pas le concours aggraverait le problème social si la structure des masters n’était pas assez souple pour garantir leur reconversion vers les vrais emplois qu’un diplôme à bac+5 doit légitimement leur permettre de briguer. De surcroît, il ne doit pas s’instaurer un double régime entre les enseignants fonctionnaires qui auront réussi le concours, et des titulaires du master refusés au concours mais recrutés avec un statut différent, ce qui, a terme, rendrait possible la disparition des concours, affaiblissant la qualité de l’enseignement en France.

Les mesures sociales prévues cette année, limitées à quelques bourses, sont très insuffisantes. L’offre de postes d’assistants d’éducation est clairement incompatible avec, simultanément, la validation d’un master, la préparation d’un concours et les stages prévus.

Mesures de transition :

Enfin, pour garantir la cohérence des formations, il est indispensable de connaître les programmes et les dates des concours ainsi que les modalités des éventuels stages avant d’élaborer les maquettes des masters correspondants.

Les concours de recrutement de l’enseignement primaire et secondaire n’ont pas été maintenus en l’état pour 2010 puisque les lauréats 2010 non candidats en 2009 devront simultanément valider un M1. Chaque établissement doit ainsi délivrer cette année des ECTS de master dans des conditions qui n’ont pas été clairement précisées. On constate le mélange de la prise en compte de l’assiduité à une préparation à un concours non con¸cue pour être diplômante avec des modules ou des mémoires de master con¸cus pour un débouché sur la recherche, etc. Des absurdités dans la délivrance des équivalences sont déjà observées. La lourde charge constituée par des stages en responsabilité est clairement incompatible avec la préparation des concours.

Problèmes spécifiques de l’agrégation :

Pour le concours de l’agrégation 2011, des solutions doivent être trouvées afin qu’aucun étudiant ne soit lésé dans la phase de transition.

La parution fin juillet du décret instituant l’obligation d’être titulaires d’un master complet pour les candidats à l’agrégation a des conséquences dès cette année. Les etudiants titulaires d’un M1 doivent choisir entre se concentrer sur la préparation de l’agrégation cette année et valider un M2 qui leur permettrait de candidater en 2011. Les préparateurs craignent surtout une diminution très forte du nombre des candidats pour l’année prochaine (uniquement non re¸cus cette année mais titulaires d’un M2), entraînant la fermeture de la majorité des préparations. Faute de mesures de transition efficaces, le nombre de candidats se trouvant mécaniquement diminué en 2011, une importante proportion des postes ne pourra être pourvue par les jurys, ce processus risquant d’entraîner une diminution drastique du nombre des postes pour l’avenir.

Beaucoup de candidats à l’agrégation préparent en même temps le CAPES. Les moyens doivent être trouvés de maintenir cette possibilité, sous peine de voir s’effondrer le nombre de candidats au concours le plus diffcile et se creuser l’écart entre les universités en mesure de proposer une préparation à l’agrégation et les autres. L’agrégation étant en pratique souvent préalable à la thèse, le nombre de futurs doctorants, donc de futurs chercheurs, s’en trouverait également diminué.

Conclusion

En tant que responsables élus des sociétés savantes et associations d’enseignants, représentatives de la communauté universitaire et enseignante dans toutes les disciplines du savoir, nous demandons à être partie prenante de véritables négociations. Compte tenu de notre légitimité scientifique, de notre expérience pédagogique et de notre représentativité dans le monde universitaire et enseignant, il est nécessaire que nous soyons des interlocuteurs à part entière, que nous soyons informés du calendrier, des étapes et des acteurs de la réforme, que nous participions en tant que spécialistes aux commissions qui auront à prendre les décisions.

Le respect de ces exigences sera la condition d’une réforme réussie de la formation des enseignants et de leur recrutement.

Liste des associations signataires

Association des Anglicistes pour les Etudes de Langue Orale dans l’Enseignement Supérieur, Secondaire et Elémentaire

Association des Etudes Grecques

Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur

Association des Historiens Contemporanéistes de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Association des Historiens Modernistes des Universités Françaises

Association des Linguistes pour l’enseignement de l’Oral dans l’Enseignement Supérieur Secondaire et Elémentaire

Association des Linguistes Anglicistes de l’Enseignement Supérieur

Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie

Association des Professeurs de Langues Anciennes de l’Enseignement Supérieur

Association des Professeurs de Langues des IUT

Association des Professeurs de Lettres

Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public

Association des Professeurs de Musique et de Musicologie de l’Enseignement Supérieur

Association des Sciences du Langage

Association Française d’Ethnologie et d’Anthropologie

Association Française d’Etudes Américaines

Association Française de Mécanique

Association Française des Enseignants Chercheurs en Cinéma et Audiovisuel

Association Française des Russisants

Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques

Femmes et Mathématiques

Groupe d’Etudes et de Recherche en Anglais de Spécialités

Rassemblement National des Centres de Langues de l’Enseignement Supérieur

Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur

Société d’Etude de la Littérature Française du XXe siècle

Société d’Etudes Medio - et Néo-Latines

Société Mathématique de France

Société Botanique de France

Société d’Etude du XVIIe Siècle

Société de Langue et Littérature Médiévales d’Oc et d’Oïl

Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles

Société des Etudes Romantiques et Dix-neuvièmistes

Société des Hispanistes Français

Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur

Société des Langues Néo-Latines

Société des Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public

Société des Personnels Enseignants et Chercheurs en Informatique de France

Société des Professeurs d’Histoire Ancienne de l’Université

Société Française d’Etude du Dix-huitième Siècle

Société Française d’Étude du Seizième Siècle

Société Française de Littérature Générale et Comparée

Société Française de Physique

Société Française de Statistique

Société Française des Etudes Japonaises

Société Française Shakespeare

Union des Professeurs de Physique et Chimie

Union des Professeurs de Spéciales