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"Interdiction politique" d’un cours hors les murs au Museum, témoignage

jeudi 2 avril 2009

*Je suis inquiet, très, très inquiet...*

Vendredi dernier, à titre de solidarité avec mes collègues enseignants de l’Université de Paris 8 engagés, en tant que titulaires et chercheurs de l’Education Nationale, dans une opposition difficile à Valérie Pécresse, j’ai décidé de tenir mon cours sur la biodiversité et l’origine de la protection des espèces et des espaces, que je donne habituellement dans les locaux du département de Géographie (où j’enseigne depuis 20 ans), dans l’espace du Jardin des Plantes (Muséum National d’Histoire Naturelle), là où fut inventée la protection de la nature. Une façon, avec ce « cours hors les murs », de faire découvrir ces lieux aux étudiants et d’être solidaire avec la grogne actuelle mais sans les pénaliser avant leur s partiels.

Mardi, arrivé à 14 h 30, avant les étudiants, j’ai eu la surprise de me
voir interpeller dés l’entrée franchie par le chef du service de sécurité tout en constatant que les deux portes du 36 rue Geoffroy Saint Hilaire était gardées par des vigiles...

- « Monsieur Vadrot ? ».

- euh...oui

- Je suis chargé de vous signifier que l’accès du Jardin des Plantes
vous est interdit

- Pourquoi ?

- Je n’ai pas à vous donner d’explication....

- Pouvez vous me remettre un papier me signifiant cette interdiction ?

- Non, les manifestations sont interdites dans le Muséum

- Il ne s’agit pas d’une manifestation, mais d’un cours en plein air,
sans la moindre pancarte...

- C’est non....

Les étudiants, qui se baladent déjà dans le jardin, reviennent vers
l’entrée, le lieu du rendez vous. Le cours se fait donc, pendant une
heure et demie, dans la rue, devant l’entrée du Muséum. Un cours qui
porte sur l’histoire du Muséum, l’histoire de la protection de la
nature, sur Buffon. A la fin du cours, je demande à nouveau à entrer
pour effectuer une visite commentée du jardin. Nouveau refus, seuls les
étudiants peuvent entrer, pas leur enseignant. Ils entrent et, je décide
de tenter ma chance par une autre grille, rue de Buffon. Où je retrouve
des membres du service de sécurité qui, possédant manifestement mon
signalement, comme les premiers, m’interdisent à nouveau l’entrée.

Evidemment, je finis pas le fâcher et exige, sous peine de bousculer les
vigiles, la présence du Directeur de la surveillance du Jardin des
Plantes. Comme le scandale menace il finit par arriver. D’abord
parfaitement méprisant, il finit pas me réciter mon CV et le contenu de
mon blog. Cela commencer à ressembler à un procès politique, avec
descriptions de mes opinions, faits et gestes. D’autres enseignants du département de Géographie, dont le Directeur Olivier Archambeau, président du Club des Explorateurs, Alain Bué et Christian Weiss,
insistent et menacent d’un scandale.

Le directeur de la Surveillance, qui me dit agir au nom du Directeur du
Muséum (où je pensais être honorablement connu), commençant sans doute à discerner le ridicule de sa situation, finit par nous faire une
proposition incroyable, du genre de celle que j’ai pu entendre
autrefois, comme journaliste, en Union soviétique :

- Ecoutez, si vous me promettez de ne pas parler de politique à vos
étudiants et aux autres professeurs, je vous laisse entrer et rejoindre
les étudiants...

Je promets et évidemment ne tiendrai pas cette promesse, tant le propos
est absurde.

J’entre donc avec l’horrible certitude que, d’ordre du directeur et
probablement du ministère de l’Education Nationale, je viens de faire
l’objet d’une « interdiction politique ». Pour la première fois de mon
existence, en France.

Je n’ai réalisé que plus tard, après la fin de la visite se terminant au
labyrinthe du Jardin des Plantes, à quel point cet incident était
extra-ordinaire et révélateur d’un glissement angoissant de notre
société. Rétrospectivement, j’ai eu peur, très peur...

CM Vadrot