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Les diplômes des universités catholiques vont être reconnus par l’État (La Croix, 18 décembre 2008)

dimanche 21 décembre 2008, par Mathieu

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La France et le Saint-Siège ont signé jeudi 18 décembre au Quai d’Orsay un accord sur la reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur

C’était il y a tout juste un an. Le 20 décembre 2007, au palais du Latran à Rome, Nicolas Sarkozy relevait que, « aujourd’hui encore, la République maintient les congrégations sous une forme de tutelle, refuse de reconnaître un caractère cultuel à l’action caritative ou aux moyens de communication des Églises, répugne à reconnaître la valeur des diplômes délivrés dans les établissements d’enseignement supérieur catholiques alors que la convention de Bologne le prévoit, n’accorde aucune valeur aux diplômes de théologie ». « Je pense que cette situation est dommageable pour notre pays », continuait le président de la République dans ce discours qui fit grand bruit.

Depuis jeudi 18 décembre, les choses ont changé en ce qui concerne les diplômes. « Ils sont maintenant reconnus de part et d’autre », s’est félicité Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, au moment de signer avec Mgr Dominique Mamberti, secrétaire pour les relations du Saint-Siège avec les États, un accord sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur catholique.

En clair, la France s’engage à reconnaître désormais la valeur des titres et diplômes, canoniques (théologie, philosophie, droit canonique) ou profanes, délivrés par « les établissement d’enseignement supérieur catholiques reconnus par le Saint-Siège », précise le texte signé par la France et le Saint-Siège.

Cette signature, jeudi, sous les ors du grand salon du Quai d’Orsay, est historique. Elle revient sur une situation d’infériorité de l’enseignement supérieur catholique vieille de plus d’un siècle. Car si, en 1875, la IIIe République a proclamé la liberté de l’enseignement supérieur, elle avait très vite, dès 1880, à l’initiative de Paul Bert et Jules Ferry, réservé l’attribution des titres universitaires aux seules universités publiques. En 1984, le Conseil d’État a estimé que ce principe du monopole d’État de la collation des grades universitaires s’imposait même au législateur.

Le processus de Bologne venu brouiller les cartes

En pratique, les universités catholiques devaient donc jusqu’ici, pour conférer une licence ou un doctorat, soit passer une convention avec une université publique, soit demander au recteur d’académie d’organiser un jury d’État chargé d’évaluer leurs candidats… Quant aux diplômes en théologie ou en droit canonique – sauf le cas des diplômes délivrés par l’université de Strasbourg, sous régime concordataire –, l’État ne les connaissait tout simplement pas.

Le processus de Bologne, par lequel 29 États européens – dont la France et le Saint-Siège – se sont engagés à établir d’ici à 2010 un espace européen de l’enseignement supérieur, est venu brouiller les cartes. En reconnaissant les diplômes étrangers, la France reconnaissait, de fait, les diplômes délivrés par des institutions catholiques de ses partenaires européens. La République devait aussi reconnaître les diplômes canoniques reconnus chez ses partenaires.

Pourquoi, dès lors, ne pas reconnaître ceux des universités catholiques françaises ? L’accord signé jeudi met fin à cette situation en ouvrant la voie à une reconnaissance des diplômes délivrés par les établissements catholiques – du moins ceux reconnus par le Saint-Siège.

« J’avoue que je n’étais pas au courant du processus en ce qui concerne les diplômes profanes », reconnaît le P. Michel Quesnel, recteur de l’Université catholique de Lyon et président de l’Union des établissements d’enseignement supérieur catholique (Udesca), au nom de laquelle il avait justement préparé, après le discours du Latran, un rapport sur la question des diplômes canoniques.

Reste à savoir quand l’accord sera applicable

Il semble que les discussions entre le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, à Paris, et la Congrégation pour l’éducation catholique, à Rome, n’ont porté que sur ceux-ci. La question des disciplines profanes aurait, elle, été introduite lors de la négociation de l’accord entre le Quai d’Orsay et la Secrétairerie d’État du Vatican.

« C’est sans doute une avancée, mais j’en ignore le contenu et la portée », avoue le P. Quesnel, qui ne peut dire si les universités catholiques vont désormais pouvoir conférer directement licences ou masters, ou si leurs étudiants diplômés d’un master seront acceptés en doctorat dans le cadre d’une équivalence… « Jusqu’à présent, tous nos rapports avec le ministère de l’enseignement supérieur ont été dans le cadre d’une convention avec une université publique ou du jury rectoral », nous précise-t-il.

Difficile donc de dire la portée exacte de cet accord, qui pourrait concerner 14 000 étudiants préparant des diplômes nationaux dans les cinq universités catholiques. Il faut y ajouter 4 000 étudiants dans ce qu’il est convenu d’appeler les « sciences ecclésiastiques » (théologie, philosophie et droit canonique), non seulement dans les universités catholiques, mais au Centre Sèvres ou à l’École Cathédrale, dont les facultés de théologie sont reconnues par le Saint-Siège.

Reste à savoir quand cet accord sera applicable. Jeudi, le Quai d’Orsay n’était pas en mesure de préciser si une ratification par voie parlementaire était requise. Il faudrait alors compter avec les réactions laïques : aux lendemains du discours du Latran, quand le président de la République avait évoqué cette idée de reconnaître les diplômes des universités catholiques, nombreux avaient été ceux qui dénoncèrent « la fin du service public laïque ».

Nicolas SENÈZE